À CHACUNE SON SPORT
Le 18 octobre 2019 avait lieu le match d’ouverture de la saison 2019-2020 de l’équipe de hockey des Carabins. Cette date signa le 10e anniversaire du programme de hockey féminin. Il y a de quoi fêter !
C’est fait courant maintenant : l’activité physique et les jeunes filles sont unies par un lien (trop) fragile. Par contre, la littérature le dit, nos adolescentes bougent plus qu’il y a 20 ans (1). Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Pour en savoir plus, nous sommes allés cogner à la porte de deux jeunes femmes qui ont fréquenté/fréquentent le CEPSUM. Quelle est la réalité d’une fille qui veut faire du sport ? Les embûches, elles existent ? En tant que femme, peut-on concrétiser ses rêves sportifs ?
Il existe de magnifiques exemples de réussite, souvent dans nos écrans, mais voici deux exemples qui s’entrainent/s’entrainaient juste à côté de vous.
Laura Bernard | Étudiante, membre et arbitre de la ligue de hockey du CEPSUM
Jouer au hockey dans le Bas-Saint-Laurent, possible ? Bien sûr (Crosby). Pour les filles ? Oui, mais.
Laura a grandi en Ontario et a fait ses débuts sur la glace à cinq ans, aux côtés de son frère. Son grand-père lui achète ses premiers patins et son père l’inscrit à des cours. Elle a sept ans lorsqu’elle est recrutée pour jouer plus compétitif. Son souvenir est très clair : c’était assez intensif. Alors que sa famille déménage à Rimouski, elle veut poursuivre sa lancée sportive, mais, à l’époque, il n’y avait pas d’équipe de filles de son âge. Elle a donc joint l’équipe masculine. Il lui a fallu attendre un an avant qu’une autre joueuse s’ajoute à l’équipe. Durant cette période, ses coéquipiers ne sont ni plus ni moins rudes avec elles qu’avec les autres.
Alors qu’elle a le talent et le potentiel de joindre une équipe de niveau supérieur, le responsable de la ligue est très clair avec elle : il veut que les filles restent ensemble, et ce, peu importe leur niveau de jeu respectif.
« Pourtant, tout comme les gars de mon équipe, je n’étais pas là pour me faire des amis, peu importe le genre, j’étais là pour apprendre et me développer. »
On lui présente ensuite l’opportunité de jouer avec des filles deux fois plus vieilles qu’elle, des filles dont le niveau est supérieur au sien. Après une pratique à leurs côtés, elle se désiste… trop intimidant. Une décision qu’elle dit malheureusement regretter maintenant.
Entretemps, alors que Laura est en secondaire 5, un professeur qui échange sur le hockey avec sa classe lance à tous : « Les filles de hockey sont toutes des lesbiennes. » À cet instant, Laura se sent choquée. Et avec raison : elle ne pouvait pas croire que ce genre de stéréotype pouvait être partagé par un enseignant.
Elle joint ensuite les rangs du Midget féminin AA, et compétitionne même contre des équipes masculines aux Jeux du Québec. Peu après, elle déménage à Montréal et commence à jouer au soccer au cégep. Véritable amoureuse du sport, elle demeure toujours active physiquement, mais ce, de façon plus récréative.
Alors que la proportion des Québécoises de 12 à 17 ans suffisamment actives est inférieure à la moyenne canadienne (2), on peut certainement dire que le parcours sportif de Laura est remarquable ! Elle continue d’ailleurs de jouer au hockey ici même, au CEPSUM, auprès de notre ligue de hockey féminin. Et, cette année, en plus de jouer au sein de cette dernière, elle arbitrera pour la première fois notre ligue masculine de hockey.
« J’aimais trop le sport pour me laisser miner par les stéréotypes et ceux qui les véhiculaient. Je jouais et je joue toujours au hockey pour moi et que pour moi. Je fais du sport pour me sentir bien, ça me donne confiance en moi, c’est tout. »
Une leçon qu’elle espère que beaucoup de jeunes filles retiennent.
Laurence Pontbriand | Coordonnatrice aux opérations football de la LCF
Athlétisme, flag-football, volleyball, football, rugby… Vous avez un sport en tête ? Laurence Pontbriand l’a probablement déjà essayé. Avide de bouger et de se dépasser, ses premiers balbutiements sportifs se font en athlétisme, à l’âge de six ans, alors que son meilleur ami l’encourage à se joindre à lui. Comme dans les films, le coup de foudre fut instantané. Depuis ce temps, Laurence a enchaîné les expériences sportives et les honneurs : du Championnat du monde féminin de football (IFAF) au Blitz de Montréal, en passant par les Carabins rugby et les championnats nationaux d’athlétisme, elle se considère choyée d’avoir pu performer et compétitionner à de si hauts niveaux. Elle sait que c’est n’est pas donné à tout le monde, et encore moins à ses consœurs.
Outre sa mère qui lui rappelle que le sport peut être dangereux quand elle se blesse, elle ne connait jamais vraiment d’embûches l’empêchant de s’entrainer et de pratiquer ses disciplines favorites. Avec du recul, maintenant coordonnatrice aux opérations football de la LCF (Ligue canadienne de football), elle explique que ce qu’elle a trouvé le plus difficile dans sa carrière, c’est de ne pas se faire prendre au sérieux comme ses homologues masculins.
« En vue du Championnat du monde féminin de football de 2017, ma préparation était digne de celle d’une athlète olympique. Pourtant, je me faisais souvent dire que n’importe qui pouvait se rendre à ce niveau. C’est la chose qui m’a le plus affectée dans mon parcours. »
Selon elle, la motivation des athlètes féminines de haut niveau – sauf exception – est d’abord intrinsèque et vient souvent du désir de faire évoluer leur sport pour les générations à venir puisque les débouchés sont rares, voire inexistants. Rien de comparable à ce que les hommes ont comme opportunités.
« Les gars ne comprennent pas la chance qu’ils ont : eux, ils peuvent devenir des athlètes professionnels et gagner leur vie à faire du sport. »
Et ne lui parlez pas du football en lingerie, son sang se glace juste à entendre ces mots. (Oui, à ceux qui n’étaient pas au courant, c’est une discipline qui existe.) Ayant atteint les plus hauts sommets du football féminin (elle a notamment été nommée Most Valuable Player de l’équipe canadienne au Championnat du monde de 2017), celle qui travaille maintenant dans l’une des deux plus grandes organisations de football au monde a un œil plus que critique sur la chose.
« La raison pour laquelle les gens vont voir du football en lingerie, c’est pour voir des femmes en sous-vêtements. La raison pour laquelle ils devraient aller les voir, c’est pour la qualité de leur jeu. Certains me disent ‘Oui, mais elles sont bonnes quand même’, et ça, je ne le nie pas. Mais pourquoi doivent-elles pratiquer leur sport favori en se dénudant ? Ce n’est pas nécessaire. Et c’est dangereux… »
Dorénavant, c’est plus riche d’une expérience différente de celles de ses collègues masculins que l’ancienne professeur d’éducation physique tente de contribuer au développement de son sport de prédilection. Que ce soit auprès des arbitres desquels elle s’occupe particulièrement au travail ou du développement des ligues féminines de son sport fétiche, Laurence n’a pas fini de défoncer les plafonds de verre qui l’attendent.
- Institut national de santé publique du Québec (2011). Activité physique de loisir, dans Santéscope, La santé au Québec, analysée, comparée et interprétée. Québec : INSPQ : www.inspq.qc.ca/Santescope InGouvernement du Québec, Kino-Québec (2014). L’activité physique et sportive des adolescentes : bilan, perspectives et pistes d’action. 44 pages.
- Nolin, B., et D. Hamel (2008). L’activité physique au Québec de 1995 à 2005 : gains pour tous ou presque, dans M. Fahmy (sous la direction de), l’État du Québec 2009 : tout ce qu’il faut savoir sur le Québec d’aujourd’hui. Montréal : Fides InGouvernement du Québec, Kino-Québec (2014). L’activité physique et sportive des adolescentes : bilan, perspectives et pistes d’action. 44 pages.
Crédits: Inclut une image créée par Lysander Yuen – « untitled image »